Soyons toujours dans la joie...

Homélie de frère Jean-Dominique pour le dimanche de Gaudete - 3° Dimanche de l’Avent (B)

Chorges, Ensemble paroissial saint Michel de Serre Ponçon


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Quelle audace, pour ne pas dire quelle impudence, de crier dans cette liturgie de l’Avent : demeurez dans la joie et l’action de grâce ? Comment oser le dire, l’enseigner, le proclamer, alors que la terre entière est dans la peur de la Covid 19, peur de toutes ses conséquences sociales, économiques et politiques. Peur en face de nouvelles puissances économiques qui s’affrontent telles les plaques tectoniques de la croûte terrestre sur le point de fabriquer des volcans. Peur que l’Orient et l’Occident ne s’affrontent à nouveau alors qu’ils ne cessent de se juger ou de se jauger à l’aune de leur tradition religieuse dominante. Dire la joie, demeurer dans l’action de grâce ne tient-il pas de l’équilibriste sur son fil à moins que ce ne soit de l’ordre de la folie d’un saut en hauteur sans parachute.

Non, aujourd’hui la lumière du rose de l’espérance l’emporte sur le violet de la pénitence ou de la tristesse de nos misères. « L’Église est dépositaire de tout le mystère de la joie, disait Paul Claudel, ce que vous avez fait contre l’Église vous l’avez fait contre la joie. » Ne travaillons donc pas contre l’Église en murmurant contre le rose de ce jour et comprenons.

Claire d’Assise écrit à sa très chère sœur Agnès de Prague : « Tu tiens dans tes bras de pauvre le trésor caché dans le champ du monde et du cœur humain. » Ces deux nobles dames du Moyen Age ont choisi de perdre tous leurs avoirs et leurs privilèges liés à leur rang pour épouser dame pauvreté, la joie suprême, le Christ, notre joie. Saint François d’Assise leur a ouvert les portes de cette grande aventure spirituelle. Le Petit Pauvre cria un jour à son frère Léon, pris par une tempête de tentations, les louanges à Dieu : « Tu es notre richesse à suffisance, tu es joie... » Dieu en Jésus est notre richesse à suffisance, Dieu est notre joie...

Voilà le trésor de l’Église, le trésor de notre foi de baptisés, le trésor que nous allons célébrer à Noël. Les anges vont le chanter à tous les pauvres de la terre et aux lointains savants d’Orient : « Voici que je vous annonce une grande joie, un enfant vous est né... »

Malgré toute la paganisation de nos noëls et malgré toutes les mesures restrictives de pandémie, le gouvernement français n’a pas osé le couvre-feu et les mesures vexatoires pour la messe de minuit.... Le grand vainqueur, c’est l’enfant... aux dires mêmes du premier ministre. Laïcité oblige, il ne parlait pas de l’Enfant Jésus, mais tout de même c’est, dit-on, l’enfant qui se forge des souvenirs et un je ne sais quoi de grand au creuset de ces fêtes de famille. L’enfant ici est roi. Cependant ne nous trompons pas d’enfant pour ne pas nous tromper de joie.

 

Joie secrète et pauvre du berger dans la pastorale des santons de Provence qui dit à Jésus : Mon chien, je te le donne... Mais tu ne me le demanderas pas. Il y joie aux cadeaux, seulement quand le cadeau a ce prix de la vie et de l’amour de nécessité...

Il fallut beaucoup de force d’âme à Ludwig von Beethoven pour écrire sa neuvième symphonie, la symphonie de la joie. Il était en toute fin de vie devenu complétement sourd, le comble pour un musicien. La force de son talent d’artiste, héritier de Mozart et de Haydn, a voulu cependant lui faire crier la joie au milieu de tant de souffrances. Admirable symphonie écrite à l’aube de ce 19°siècle où l’Europe se déchirera atrocement. L’hymne à la joie du plus grand musicien de son temps sera le symbole de la réconciliation des belligérants du vieux continent.

Si, dans les circonstances tragiques de leur vie, le berger ou le musicien nous le disent de toutes les forces de leur âme, comment ne pas entendre les anges et tout l’Évangile nous dire la joie des joies, le Christ parmi nous l’espérance de la Gloire, pour reprendre les mots de l’apôtre.

A bien y regarder dans toute l’histoire des civilisations, les guerres n’ont jamais cessé, malheureusement. Mais le désir de paix et de justice a toujours prévalu. Des peuples ont été massacrés, des civilisations furent détruites dans le sang, des épidémies ont pu ravagés les continents, telle la peste à la fin du Moyen Age, la joie a toujours fini par jaillir d’un homme, d’un peuple, d’un génie, d’un prophète, .... Tel le crocus qui pousse dans les fentes du rocher de haute montagne ou l’edelweiss dans les sommets, la joie ne peut mourir. Une minorité active et saine peut finir par renverser les plus grands empires du mal. L’histoire le prouve.

 

Chrétiens réveillons-nous donc, et demeurons dans la joie, puisque c’est là-même notre foi. Il fallait à Dieu d’être ruisselant de joie pour descendre dans la misère de nos enfers humains que nous créons à force d’orgueil indépendant, d’armes les plus sophistiquées ou de jouissances les plus déshumanisantes. C’est parce que Dieu est joie, non jouissance ou égoïsmes à plusieurs, qu’Il nous a offert sa joie, soit tout lui-même en Jésus. Il ne pouvait faire plus que de nous offrir son Fils, son Bien-aimé, son Unique, autant que l’Esprit de leur communion pour que nous apprenions de Dieu la joie. La joie qui seule mérite ce nom, la joie d’aimer, de se donner jusqu’à l’extrême à l’image et la ressemblance de Dieu.

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Sa joie est venue guérir nos soifs désordonnées de jouissance, nos désirs fous de faux bonheurs, nos orgueilleux désirs d’être heureux sans Dieu ou les uns sans les autres. La joie pure est don, elle n’est que don, pour que l’autre, le bien-aimé, naisse à la joie d’aimer et à rien d’autre. Voici Jean-Baptiste le prophète apôtre de la joie dans la pauvreté du désert du Jourdain : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sandale. » Jean-Baptiste, parce qu’il ne se prend pas pour Dieu et qui sait que la joie pure et vraie c’est celle qui se reçoit en totale pauvreté, Jean-Baptiste s’écriera encore : « Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie et elle est complète. »

 

Chrétiens nous sommes dépositaires de tout le mystère de la joie de l’humanité, joie pour l’éternité. Le Christ est la joie de notre vie pour laquelle nous pouvons tout donner puisqu’il nous a tout donné de lui-même, la joie de l’Amour qu’est Dieu. En venant parmi nous Il nous a promis de demeurer au milieu de nous jusqu’à la fin des temps. Attendons Le dans la joie de notre mort prochaine puisque la mort séparation est morte en Lui pour nous offrir la mort qui est pâque vers la joie éternelle. Attendons-Le en chacune de nos journées, perles offertes pour l’éternité.

« Priez sans relâche » dit saint Paul. Car la prière unit le cœur de l’homme à Jésus qui est joie. Cette joie transfigurera les plus lourdes épreuves, murmurant à l’intime qu’elles n’auront pas le dernier mot.

« Rendez grâce en toute circonstance » puisque la mort est vaincue et que la Parole de Jésus est plus puissante qu’une bombe atomique. Puisque chaque jour la grâce travaille des hommes de bonne volonté afin que l’hymne à la joie prévale sur toutes les guerres petites ou grandes.

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« N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toutes choses... » puisqu’au jour de votre confirmation vous avez reçu les sept dons de l’Esprit Saint qui œuvrent en vous comme ils ont œuvré en Jésus pour discerner le bien du mal et découvrir quelle est la volonté de Dieu au quotidien.

Laissez Dieu sanctifier votre vie par une pratique droite et pure des sacrements comme par l’enseignement de l’Église pour que Dieu puisse réaliser toutes les merveilles dont Il rêve pour vous et vos proches.

Alors la joie, la vraie joie, selon la promesse de Jésus avant de mourir, « personne ne pourra vous la ravir. » Vous serez des semeurs d’espérance, autant que « des absorbeurs d’inquiétudes » parce que vous serez habités par la joie imprenable du Christ, l’Enfant Dieu victorieux de tout mal pour la joie du monde.


© Fr. Jean-Dominique 2017